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Ce que la thermographie peut apporter à la gestion des EPLE

mardi 2 avril 2013, par L’intendant zonard

J’ai eu l’opportunité de suivre une journée de formation-initiation à la thermographie infrarouge. Voici ce que je tire de ce reportage de veille technologique pour l’IZ.

De quoi s’agit-il ?

Tout corps au-dessus du zéro absolu émet des infrarouges. La thermographie consiste à observer ces émissions, à l’aide d’une caméra spécifique. Un thermographe, c’est comme plusieurs centaines de thermomètres de précision à visée laser les uns à côté des autres, formant une image dans laquelle on peut reconnaître ce qui est plus ou moins chaud.

Un bon vieux thermomètre à visée laser comme on en a maintenant tous au moins un en cuisine

C’est vraiment si efficace ?

Même les appareils les moins évolués sont d’une redoutable précision, au-delà de 0,1°C. Or comme chaque matériau, chaque état de surface a sa propre émissivité d’infrarouge, on voit par la thermographie des trucs qu’on n’imagine même pas pouvoir observer.

C’est la vision de Superman ou quoi ?

Un peu : dans certaines conditions précises, cela permet de voir à travers les murs. Toutefois, il est très préférable que l’utilisateur d’un tel appareil ait reçu au strict minimum une journée de formation, pour comprendre les notions d’émission d’infrarouge, comment favoriser le "contraste" thermique, et en tirer des conclusions probantes.

Double illustration sur cette image : on voit bien une fuite de froid dans l’angle, et l’on peut apprécier à quel point c’est précis : marchez pieds nus, il reste une empreinte pendant plusieurs minutes. Faites gaffe quand vous composez votre code de carte bancaire...

Le piège, c’est de croire voir par exemple des ponts thermiques affreux, là où il n’y a que d’inévitables fuites de petite ampleur. Globalement, la thermographie permet de voir ce que l’on cherchait, mais il faut se garder de ne voir que ce que l’on veut bien.

Combien ça coûte ?

Au jour où j’écris, la caméra la moins coûteuse du marché est disponible à 1000 € HT. Les tarifs ont baissé ces dernières années, mais la tendance est à la stabilisation. On peut néanmoins conjecturer que le jour viendra où le prix des appareils sera à la portée de chaque lycée, voire de chaque collège.

Petit modèle au prix modéré, susceptible d’arriver un jour dans la panoplie d’un bon OP

Pour 1000 écus fin 2012, on a une définition d’image de 3600 pixels. Oui, 3600, quand en photographie visible, un appareil à 60 € en annonce 10 millions. Ne paniquez pas, avec ça on fait déjà pas mal de choses.

En outre, le distributeur chez qui j’ai pu faire la formation propose un tarif spécial éducation extrêmement intéressant. A priori c’est plus pour permettre d’enseigner sur ce matériel que pour la gestion des EPLE, mais si ça vous branche, tentez le coup.

Je ne pourrais pas bricoler quelque chose moi-même ?

On trouve sur l’Internet des procédures pour modifier un appareil photo numérique et le rendre capable de percevoir l’infrarouge. Et ça marche, d’ailleurs. Toutefois, cela ne permettra jamais de remplacer une caméra thermographique spécialisée, qui vous donnera la nuance à 0,2°C près dans une armoire électrique ou un réseau de conduites de chauffage : ça fait des photos un peu bizarres, c’est tout.

Les thermographes ont une lentille au germanium, un matériau rare sélectionné pour sa transparence aux infrarouges... mais on ne voit pas la lumière visible au travers de ces lentilles ! Ajoutez-y la précision de la détection thermique, un traitement de l’image très particulier pour la rendre compréhensible, et l’ergonomie générale des caméras qui est bien différente d’un appareil photo, vous comprendrez que bricoler son apn est une fausse piste.

Mon OP pourra-t-il vraiment utiliser un tel appareil ?

S’il est débrouillard, il n’y a pas de raison. Mais il faut bien se dire que pour établir un rapport utilisant une thermographie, il faut avoir fait soi-même la photo ! Sinon, les problèmes d’interprétation deviennent impossibles à gérer. Cela dit, dans les mains d’un ATT de bonne volonté, une caméra thermographique peut faire gagner énormément de temps dans la recherche des anomalies dans les bâtiments.

Consignes de sécurité pour l’emploi de ces appareils

Ce sont de simples appareils photo qui se contentent de voir ce qu’on leur montre, même s’ils montrent ce que l’œil humain n’est pas capable de percevoir. Aucun danger intrinsèque, donc. Toutefois, les risques viennent des environnements de travail. En effet, la thermographie suppose une observation en ôtant les protections normales des systèmes en fonctionnement :

 pour la détection des problèmes électriques ou mécaniques, on doit respecter les distances de sécurité, alors que l’on peut être tenté de s’approcher pour mieux voir un détail avec la caméra
 pour chercher des problèmes sur des bâtiments, on peut, concentré sur son image IR, vouloir prendre du recul et tomber du toit, ou ce genre d’accidents

Exemples d’utilisations de la thermographie

 supervision des armoires électriques pour y détecter les échauffements dus aux serrages mal verrouillés, susceptibles de déclencher des pannes et/ou des départs d’incendie
 recherche de fuites dans les calorifugeages des conduites de chaleur ou d’eau chaude sanitaire, la suppression des ponts thermiques sur ces conduites pouvant permettre des économies assez fantastiques
 recherche des ponts thermiques des bâtiments, par l’intérieur ou par l’extérieur, pour traiter les fuites les plus choquantes et là aussi gagner beaucoup de confort, souvent juste au prix d’un peu de mousse isolante à quelques endroits stratégiques
 recherche d’infiltrations d’eau et autres fuites
 repérage à travers les murs des câbles électriques, conduites ou montants métalliques, pour savoir où percer ; idem pour les sols chauffants
 surveillance de certaines machines pour détecter les usures anormales en train de se faire par des roulements déficients ou ce type de problème

Gros problème sur le câble à gauche, n’est-ce pas ? Ce type d’incident est quasi indétectable autrement...

En fait le champ d’application est illimité, la difficulté étant de favoriser la prise de bonnes images et de savoir les lire de manière pertinente.

La notion d’émissivité

Chaque matière émet des infrarouges de manière différente de l’autre. Le cas le plus intéressant est celui du cuivre : ce métal est un excellent conducteur thermique, tellement bon d’ailleurs qu’il n’émet que très peu d’IR, de l’ordre du dixième des émissions de l’acier par exemple.

Pour continuer avec cet exemple, dans une armoire électrique si vous cherchez par la thermographie à connaître la température d’une pièce en cuivre, ou bien vous faites un réglage spécifique à ce métal et tout ce qui n’est pas en cuivre aura une mesure archi-fausse, ou bien vous mesurez de préférence les vis en acier qui maintiennent les pièces de cuivre, et dont l’émission d’infra-rouge vous permettra une lecture pertinente.

L’émissivité est directement liée à l’état de surface, et un objet mat ou brillant, blanc ou noir, exposés à exactement la même température, n’apparaîtront pas identiques sur une thermographie. Il est nécessaire de le savoir, et de bien réfléchir avant d’interpréter une image, car beaucoup de choses peuvent en découler.

Les professionnels de l’imagerie infrarouge disent par exemple pis que pendre des thermographies aériennes pratiquées par les collectivités locales pour inciter les particuliers à mieux isoler leurs maisons. En effet, la simple couleur de votre toit, sur ces images, aura une influence importante et pourrait vous faire croire que, comparativement au reste du quartier, vous êtes très mal isolé.

Thermographie d’extérieur. On voit nettement que s’il faut retoucher quelque chose à cette maison, c’est du côté des cadres de fenêtres qu’on agira d’abord.

Un dernier exemple : si vous thermographiez un visage, vous pourrez mesurer que les lunettes à monture métallique de votre modèle seront plus chaudes que la tête : émissivité du métal supérieure à celle de la peau.

Bref, un esprit critique au fait de ces limites de la technique est nécessaire à la bonne interprétation d’une thermographie, et cela risque bien d’être la principale limite à la généralisation des caméras IR dans nos EPLE. Mais il ne faut pas désespérer.

Comment favoriser une belle mesure

Premièrement, la lumière visible interfère dans la mesure, puisque l’énergie qu’elle représente est plus ou moins absorbée par le matériau mesuré, puis transformée en IR suivant sa nature et son état de surface. Il est donc préférable d’éteindre toutes les lumières avant de prendre une thermographie. De même, les photos en extérieur seront à faire de préférence la nuit.

Ensuite, il est bien souvent utile de favoriser le contraste des images en poussant à ses extrémités le phénomène qu’on souhaite observer. Ainsi, si vous cherchez à repérer des fuites de calories dans votre installation de chauffage, l’idéal est dans un premier temps... de l’arrêter complètement !

En faisant de la sorte, l’ensemble de l’environnement autour de votre installation va se refroidir. Puis, quelques minutes avant de thermographier, remettez l’installation en route, mais à la température maximale, en mode manuel sans aucun mélange à la vanne trois voies. Là vous verrez un maximum de choses.

Besoin de faire un trou dans ce sol chauffant ? Avec une caméra thermique vous êtes tiré d’affaire.

Ces manipulations sont nécessaires en particulier quand vous voulez jouer à Superman et regarder à travers les murs. Mais ça marche très bien.

En conclusion

Il y aurait encore des choses à expliquer, sur le fait que ces appareils pour donner des mesures parfaites doivent régulièrement être étalonnés, par exemple. Si l’on a besoin de mesures parfaites, naturellement.

Même si vous n’allez pas vous précipiter acheter un appareil à 1000 écus dont l’usage demeure assez délicat, vous aurez peut-être appris des choses intéressantes : notamment le "thermomètre laser" qu’on emprunte à la cuisine est basé sur la même technique, et donc quand vous l’utilisez pour mesurer vous saurez qu’il peut y avoir des résultats étonnants, et pourquoi.

D’une manière générale, n’oubliez pas de fonder votre action en termes de chauffage sur la notion de confort thermique, au-delà de la mesure bête et méchante.


Voir en ligne : Distrimesure, distributeur des caméras thermographiques FLIR

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