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Tout ce que vous vouliez savoir sur l’eau de Javel

samedi 16 février 2008, par L’intendant zonard

Une collègue a demandé, sur l’indispensable forum à N@n@rd, s’il est vrai que l’eau de Javel est "interdite" pour l’entretien de nos EPLE. Il y a des rumeurs comme ça. Alors qu’en est-il vraiment ? NB cet article est en partie écrit à l’aide des réponses des forumeurs que je remercie.

Informations générales

En premier lieu, un petit tour sur la fiche Wikipedia sur l’eau de Javel, on y trouve toutes les données de caractère scientifique etc. Y est expliqué aussi pour qui l’ignorait, que Javel était le nom d’un village au bord de la Seine dans l’actuel 15e arrondissement parisien, où la première fabrique de ce produit a été construite. Voir aussi le site de la chambre syndicale nationale de l’eau de Javel : http://www.eaudejavel.fr.

Dans le service de restauration

Pourquoi la Javel qui est a priori connue comme désinfectante n’est pas utilisée dans nos protocoles HACCP ?

Un collègue Corse, sur le chapitre de l’hygiène en cuisine, nous signale une réponse du Dr Claude sur le forum de La cuisine collective, journal que je ne recommanderai jamais trop :

 Si l’eau de Javel est " interdite ", c’est surtout parce qu’elle n’est pas autorisée. Pour pouvoir "être autorisé comme désinfectant" les fabricants font des tests sur l’efficacité du produit sur tel ou tel germe, à une concentration précise, puis présentent un dossier pour homologation aux administrations. Or, il se trouve que l’eau de Javel n’est pas homologuée ! Personne n’a jamais voulu " payer " l’étude nécessaire... même pas la Chambre syndicale de la Javel qui diffuse pourtant des conseils et posters très bien faits sur son utilisation... en agroalimentaire. L’eau de Javel est pourtant très efficace et très économique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle est tolérée par les organismes de contrôle, et ce malgré sa "non-autorisation".

Sur le site web faisant la promotion du produit, on lit pourtant :

L’efficacité désinfectante de l’eau de Javel a été confirmée avec les nouvelles normes européennes relatives aux désinfectants.
 Elle est bactéricide selon les normes EN 1040, EN 1276, EN 13697, EN 13727 ;
 Elle est fongicide selon les normes EN 1275, EN 1650, EN 13697, EN 13624 ;
 Elle est sporicide selon la norme EN 13704 ;
 Elle est virucide selon la norme française NF T 72-180.

A ce jour, il n’a pas été identifié de micro-organisme qui ne soit pas détruit par l’eau de Javel.

L’hypochlorite de sodium figure dans la "liste (mise à jour le 3 mars 2006) des désinfectants agréés au titre de l’arrêté du 28 février 1957 relatif à la désinfection dans le cas de maladies contagieuses des animaux" à la concentration de 1° chlorométrique (soit 0,31 % de chlore actif).

La réponse du Dr Claude serait-elle plus ancienne que ces certifications ? Possible, je laisse les experts à leur bataille.

En fait la Javel est un désinfectant puissant et efficace, mais dont le dosage pose problème, et dont les autres propriétés chimiques peuvent diminuer l’efficacité (notamment une température trop élevée, effet de catalyse du nickel donc des inox de nos cuisines...). Mais n’allez pas croire que ce n’est pas un excellent produit d’hygiène pour autant : dans les hôpitaux on désinfecte beaucoup de plaies au Dakin, qui n’est rien d’autre que de la javel avec un peu de colorant.

Bref, si elle n’est peut-être pas suffisante pour être validée dans un protocole de désinfection de cuisine, ce n’est pas un produit sans intérêt pour autant.

Pour rester dans le service annexe de restauration, par exemple chez moi comme dans de nombreuses cuisines collectives, on pratique le nettoyage de la salade verte à la Javel. C’est un moyen peu coûteux, non dangereux pour la santé de se débarrasser des germes sur les légumes, en particulier des dangereux germes telluriques (venant de la terre, dont l’affreux bacille botulique qui est ce qui se fait de pire en cas de TIAC).

Attention toutefois l’odeur est tenace ; contre ce problème l’idéal est un bain avec javel, puis un bain avec vinaigre blanc. Sur Wikipedia il est bien précisé que la réaction entre la Javel et un acide même doux dégage du dichlore, un gaz très toxique. Il faut donc considérer qu’il s’agit de concentrations très faibles, et qu’un minimum d’égouttage doit se faire entre les deux bains. Et le plus simple, vu l’instabilité de la Javel, est encore de faire le nettoyage de la salade tôt dans la journée, l’odeur résiduelle s’évapore en quelques heures.

Dans le service général en EPLE

Dans des WC d’EPLE qu’il faut nettoyer et raisonnablement désinfecter quotidiennement, elle présente un intérêt certain. Mais il faut former les agents : ne plus l’utiliser en cas de conduite bouchée, ne pas doser plus fort qu’une pastille pour un seau.

Un collègue explique que son établissement a connu deux accidents qui ont provoqué le bannissement de ce produit de son EPLE :

 cuvette des WC mal rincée, il a fallu rembourser la famille d’un élève pour ses vêtements abimés de toutes les traînées blanches, plus le ridicule pour l’élève.....

 WC bouchés, l’OP a mis de la soude alors qu’il y avait encore de l’eau de Javel

Parmi les avantages de la Javel, il y a sa relative instabilité : pour que le gamin ait abimé ses vêtements, c’est qu’il s’est installé sur le trône encore humide vraiment juste après le nettoyage, et que le dosage ait été trop fort.

Sur la réaction chimique qui a du se produire entre la soude et la javel, il aurait fallu que l’OEA ne cède pas d’abord à la tentation de tenter de déboucher chimiquement lui-même en mettant plein de javel... Sinon la fiche Wikipedia indique des réactions à problème entre la Javel et les acides ou les produits azotés comme l’ammoniac, mais la soude n’est pas citée. Je ne serais même pas étonné qu’il se soit agi d’une réaction normale de la soude, indépendamment de la Javel présente.

D’une manière générale, il faut former nos agents aux produits qu’ils utilisent. C’est un peu plus difficile pour la Javel qui est tellement banalisée que les personnels croient la connaître et lui prêtent des propriétés qu’elle n’a pas, ou lui font confiance plus qu’à des produits plus stables et moins agressifs que nous pouvons mettre à leur disposition.

Les défauts de la javel : réactions chimiques trop vives, agressivité pour la peau et même les vêtements, et même les gants de ménage et les éponges, en fait. D’autres produits désinfectants sont tout de même plus faciles à manipuler. Sans parler de l’odeur pas géniale.

Je ne me couperais pas un bras en "l’interdisant". Il faut en revanche faire en sorte que son usage ne soit pas banalisé : les OEA, croyant bien connaître ce produit qui a priori inspire confiance puisqu’ils l’ont toujours connu chez eux, se prennent de passion pour elle et la mettent à toutes les sauces. Dont les dangereux mélanges, et tout ce qui s’ensuit.

Sous quelle forme l’utiliser ?

A mon avis, dans notre cadre professionnel c’est la pastille le conditionnement le plus intéressant, et de loin : il ne se prête pas aux mélanges, il suppose qu’on n’en utilise pas un petit peu n’importe où n’importe quand, et le risque de brûlure par le liquide concentré est évité. Et on n’a pas de problème des conditionnements sauvages sans étiquette. Moins de 10 écus les 150 pastilles, y a de quoi faire pour pas un rond. Exemple de fiche toxico de javel en pastilles.

Meilleur à basse température

L’eau de javel ne donne pas de bons résultats à haute température : le chlore s’évapore trop vite, avant d’avoir agi. C’est au point que dans les pays chauds, on préfère utiliser d’autres produits. Information trouvée en marge de ma recherche sur la notion de détergence, sur cette page.

Pour aller plus loin

Une page pleine d’informations de niveau assez soutenu en chimie : http://azeor.com/pages_web/javel.htm ; une autre pour la question de la concentration, et de sa conservation : http://membres.multimania.fr/microbio/actualites/Javel/javel_corps.html


Vous ne voulez toujours pas en utiliser ? dans un précédent établissement, j’avais fait un coup fumant : j’avais installé une ancienne centrale de dilution de produits désinfectants de la cuisine dans le WC handicapés inemployé bien placé au centre de la zone des toilettes élèves. Mon personnel disposait ainsi d’un outil d’une terrible efficacité pour ce nettoyage (nettoyer au jet contenant le désinfectant c’est tout de même l’idéal), et la dépense en produit était maîtrisée. Et pour le politiquement correct : le WC destiné aux personnes porteuses de handicap n’était pas inutilisable pour autant.

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