Comment catégoriser les véhicules — entiers ou en pièces — qui entrent à l’atelier ?
J’ai eu la chance d’échanger à ce sujet avec une auditrice de la DDFiP, ce qui m’a permis de me rendre compte qu’il s’agit d’un véritable enjeu dans l’établissement. On ne peut pas, d’un point de vue administratif comme comptable, ne pas tenir compte de ces éléments qui font effectivement partie de l’actif de l’établissement et participent à sa valorisation. Comme j’ai dit actif, la question suivante est donc : immobilisation (classe 2) ou stock (classe 3) ? Ou réponse 42 ?
Maintenant, raisonnons par objections pour infirmer ou confirmer le choix de ces options :
Immobilisation ?
La définition des immobilisations dans la M9.6 antérieure à Op@le [1] est tellement simpliste/simplifiée que c’est effectivement la direction naturelle des véhicules (au moins ceux qui sont entiers) qui entrent dans l’établissement.
Certes, ces épaves sont effectivement des éléments corporels, certes elles sont souvent destinées à durer plus qu’un exercice dans l’établissement, mais... si l’on prend la définition juridique d’une immobilisation au même titre que celle de la nouvelle M9.6 op@lisée :
Une immobilisation corporelle est un actif physique identifiable dont l’utilisation s’étend sur plus d’un exercice et ayant une valeur économique positive pour l’organisme (bâtiment, véhicule, machine-outil…).
Deux cas de figure pour nos épaves :
- il s’agit de dons ou de récupérations d’une valeur réduite (inférieure à 800 € HT de toutes manières). Dans ce cas, la valeur économique positive de nos épaves est inexistante : ce qui leur reste de valeur vénale va disparaitre dès que les élèves vont mettre la main dessus.
- ou il s’agit d’un achat voire pour les plus anciennes, d’une dotation libératoire au titre de la taxe d’apprentissage. Dans ce cas, il existe bien une valeur économique positive qui est la valeur d’actif — et il s’agit bien d’une immobilisation. Le comptable se ferait naturellement taper sur les doigts s’il le laissait passer différemment. Mais il est très rare que les établissements aient les moyens d’acheter des véhicules pour qu’ils finissent en Meccano des mécanos. Quant aux grands constructeurs, ils ne distribuent plus des véhicules à 25 000 € dont la valeur libératoire est d’à peine le dixième. Cette option est donc très limitée.
En outre, la mission du gestionnaire vis-à-vis d’une immobilisation, c’est d’en maintenir l’état au moins dans sa nature et souvent même dans sa destination. Or, le véhicule confié aux élèves pour en démonter le moindre boulon se transforme naturellement en bien autre chose qu’un véhicule. [2]
Stock ?
Si l’on réfléchit à la destination de ces épaves, il est clair qu’elles constituent de la matière d’œuvre à la fois entrante et sortante de l’objet d’étude en maintenance des véhicules ou en carrosserie. Il me paraît donc indispensable de les suivre en stock. Et ce suivi a l’avantage majeur de sa souplesse :
- véhicules entiers ou éléments de véhicules, vous pouvez tout y suivre, quelle qu’en soit la valeur vénale ;
- par ailleurs, une entrée ou une sortie de stock, c’est une ligne d’écriture qui ne demande pas plus de formalisme que cela au niveau réglementaire ;
- enfin, et tant que nos outils de comptabilité générale — GFC ou Op@le — ne se soucient peu ou prou des stocks, ces opérations ne nécessitent pas davantage d’opérations comptables que le bilan annuel de variation de ces fameux stocks.
Cette forme de suivi est tellement pratique qu’elle s’impose également dans des conditions normales [3] d’exercice aux véhicules client qui entrent dans votre atelier, voire les prêts d’épavistes.
Tant que le prêt ou la mise à disposition du véhicule ne dépassent pas la limite du 31 décembre, il n’y a par ailleurs aucune incidence comptable. Il y en a une néanmoins, lorsque le véhicule est encore dans ce stock au changement d’exercice, puisqu’il intervient au milieu de l’année scolaire. C’est assez fréquent sur les travaux longs de carrosserie ou ceux de carrosserie-peinture.
Dans le cas de véhicules client, cette incidence financière peut être notable tant en matière de procédure qu’au niveau comptable. Le premier point de vigilance, c’est en effet qu’un véhicule roulant confié par un client n’a pas la même valeur vénale qu’une épave. C’est donc une somme suivie d’au moins quatre zéros qui entre dans votre stock [4] et sans sortie au 31 décembre, va majorer considérablement votre fonds de roulement, mais de manière totalement artificielle.
Certes pour le calcul d’un prélèvement, nous utilisons généralement comme indicateur le fonds de roulement mobilisable [5], nous en faisons disparaitre le stock. Mais la collectivité peut ajuster la dotation globale de fonctionnement au niveau du fonds de roulement. Dans ce cas, cette survalorisation dans le compte financier n’est pas anodine.
Par ailleurs, il faudra déterminer la valeur d’entrée et de sortie du véhicule ou de l’élément. Pour un véhicule entier, dont vous disposez de la carte grise, c’est assez simple, il y a l’argus. Pour les pièces, c’est un peu plus compliqué : il faut demander un devis à votre fournisseur référencé pour savoir à quel prix vous l’obtiendriez si vous deviez racheter la pièce. C’est un peu fastidieux, et donc...
Réponse 42 ?
La tentation est donc de faire des entrées de stock à valeur nulle ; mais attention à deux choses :
- d’une, ce petit arrangement n’est pas conforme à ce que l’on attend d’une comptabilité dont la première vertu est de retracer le plus fidèlement l’activité réelle d’un établissement ;
- de deux, la valorisation d’un bien en stock est essentielle en cas de sinistre pour la prise en charge par l’assurance. Certes, il peut toujours y avoir une valorisation a posteriori, mais encore une fois, la sincérité des déclarations pourrait être remise en cause.
Je suis néanmoins assez favorable à la réponse 42. Nous avons déjà bien à faire avec les immobilisations et les stocks qui ne constituent pas notre cœur de métier, pour risquer de nous embarquer dans ce suivi valorisé des véhicules et équipements clients. On peut aussi, et c’est le plus simple, suivre ce stock dans un répertoire de stock particulier, propre à ces éléments, sans pour autant basculer ce suivi dans la comptabilité générale. C’est la liberté qui existe actuellement. Elle n’affecte pas le fonds de roulement, ni les comptes.
Comment faire entrer administrativement ces véhicules et pièces dans l’établissement ?
Une fois la question du suivi administratif et comptable de cette matière d’œuvre réglée ou du moins substantiellement avancée, reste la question des entrées et sorties. Réalisées souvent un peu à l’arrache par nos collègues des ateliers, elles ont pour priorité leur déroulé pédagogique, et beaucoup moins la rigueur réglementaire et comptable.
Évidemment, je ne vous parlerai pas des cas d’immobilisation, car effectivement, ce sujet a été largement traité par la littérature professionnelle ici même également.
Ce qui importe davantage ce sont les trois cas de figure suivants :
- Les dons
- Les prêts
- Les véhicules client
Les dons
C’est le plus gros de mon stock. Les véhicules à l’agonie de tous les enseignants, de mon adjointe, de ma stagiaire, du chef d’établissement, tous ont rejoint le stock des véhicules pédagogiques pour quelques années. Évidemment, aucun de nous n’a fait payer au lycée le moindre centime. Il s’agit donc bien d’un don. Et qui dit don, dit dans un premier temps acte du conseil d’administration pour accepter ce don. Cet acte n’est pas transmissible. Il est donc exécutoire et opposable le lendemain même du conseil d’administration, dès lors qu’il a été validé par le chef d’établissement et publié par vos soins.
Une fois le don accepté, vous pouvez faire l’acte de cession. Logiquement c’est le donateur qui le fait, mais peu importe qui en est à l’initiative tant que le lycée récupère la carte grise et ce document. Le don est généralement fait "pour destruction" ou "en l’état", ce qui signifie que le véhicule n’est pas destiné à rouler. Il n’y a donc aucune raison de l’assurer pour une mise en circulation. Au contraire, il va falloir déclarer son retrait de la circulation. [6] Je vous conseille également d’en retirer les plaques.
Les prêts
Les prêts sont beaucoup plus difficiles à gérer. Nous sommes loin d’une exposition itinérante ou d’une collection de livres de bibliothèque qu’il faudra rendre en l’état et pour la sauvegarde desquelles l’établissement s’assure.
Les prêts de véhicules ou de pièces destinés à être manipulés par des élèves encore peu adroits relèvent davantage de la convention de partenariat avec tel ou tel professionnel : ici, un ferrailleur, là une casse auto, par exemple. Qui dit convention dit également acte du CA, car la convention à titre non financier dépasse le cadre de la délégation faite au chef d’établissement. Mais puisqu’il faut de toutes façons passer par le CA, vous serez bien avisés d’établir ce partenariat sur plusieurs années.
Si le véhicule est déjà retiré de la circulation, aucune démarche supplémentaire. N’oubliez pas de demander une copie de cette demande de retrait néanmoins au professionnel en question, pour être couvert.
Les véhicules client
Il s’agit bien de véhicule roulants, mais que les élèves ont interdiction de conduire, même dans l’enceinte de l’atelier, et même s’ils ont le permis. Donc pas de souci niveau assurance. Reste le transfert de responsabilité pour le bien en soi pendant son séjour dans l’établissement. Pour cela, vous connaissez la chanson désormais : convention. Et qui dit convention, dit passage au CA. À ceci près, qu’il est possible de faire passer un document-type au conseil d’administration, comme on le fait déjà pour les conventions de stage, ce qui permettra au chef d’établissement de le ratifier ou de le valider simplement sans pour autant devoir repasser au CA à chaque nouveau client.
Et pour les sorties...
Dans le cas où l’établissement n’est pas propriétaire du véhicule — qu’il n’y a pas eu techniquement de transfert de propriété —, encore une fois ce sont les termes de la convention qui vont déterminer le retour du bien à son propriétaire, prêteur ou client.
Dans le cas des dons ou des immobilisations, lorsque le véhicule va rejoindre sa dernière demeure chez un casseur, n’oubliez pas la dernière démarche administrative : le certificat de destruction. En effet, sans ce certificat, si le véhicule se retrouve sur la voie publique, ou bien pire sans doute en termes de morale, dans un champ à rouiller, c’est le lycée et son chef d’établissement qui en seront responsables.