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Avant un chantier : comment limiter les catastrophes

dimanche 16 janvier 2011, par L’intendant zonard, Op@lomero

Votre bahut voit peu à peu prendre forme un projet de travaux lourds engagés par la collectivité de rattachement. À part muter en urgence pour ne pas devoir s’en occuper (vu la galère en perspective je peux le comprendre), quelles dispositions l’intendant avisé peut-il prendre ? Un collègue qui y a trempé l’orteil vous livre ses suggestions.

Les projets sont en général pondus sur la base d’un cahier des charges lambda émis initialement par le MEN, puis révisé par votre collectivité de rattachement. Vous êtes-vous assuré que le projet correspondait à vos spécificités ?

Évaluez l’architecte !

Parmi les informations importantes qu’il convient de se procurer très tôt, c’est si l’équipe qui va travailler sur votre projet est déjà expérimentée dans les constructions scolaires. Si ce n’est pas le cas, c’est mal barré, autant le dire tout de suite ; il vous faudra pourtant ménager la susceptibilité de l’artiste-architecte et toujours lui dire que malgré son génie intrinsèque et incontestable, il ne peut pas toujours tout savoir.

Si l’archi a déjà des bahuts sur son tableau de chasse, alors une visite s’impose absolument ! Si possible, avec l’archi, et de manière certaine et nécessaire, avec le collègue gestionnaire du bahut en question (en vous souhaitant qu’il soit le plus au point possible et qu’il sache lever les lièvres). Même si cet établissement est loin de votre EPLE d’affectation, une mission s’impose, remboursement des frais au besoin, une telle visite peut avoir des conséquences incalculables sur les prochaines décennies de tout un établissement !

Attention à bien avoir compris qui c’est, "l’architecte". Il y a le grand chef qui dessine, et il y a son collaborateur-grouillot, payé au lance-pierres, qui se coltine toutes les réunions dans votre bahut, et entre-temps doit avoir calculé la résistance de la voûte d’égout, ou vérifié si la norme XB27K12-2007 rénovée impose des couloirs d’un mètre cinquante de large au moins.

Pensez pratique, vous serez le seul

 Vous avez vingt agents dont dix-huit femmes (comme tout le monde) et on vous propose une cabine seulement dans chaque vestiaire. Penser à temps à leur dire de rajouter des cabines car on ne va pas faire des équipes à horaires décalés rien que pour que les 18 se changeant chacune leur tour. Eh non Monsieur, un agent c’est pas comme un gamin de 8 ans à la piscine, on ne le met pas dans un vestiaire collectif.

 Vous savez combien il y a de profs dans l’établissement ? Avez-vous imaginé que la majorité de ces braves gens se retrouveront dans la salle des profs à la récré de 10 h ? Ah, 8 chaises pour 80 profs, c’est pas forcément suffisant, en fait... Et puis un scoop : ces gens-là boivent du café. Et une machine à café, ça prend un mètre carré, ça utilise de l’eau et de l’électricité. Si vous ne le signalez pas, tout le monde l’aura oublié.

 Il est beau votre collège tout vitré mais il va falloir des nacelles pour l’entretien et votre entrée est assez large mais ne dessert que l’arrière des bâtiments, là où on livre, alors que j’ai aussi des vitres devant. On escalade ?

 Le portail livraison donne sur l’arrière des bâtiments mais aucune porte n’est assez large pour laisser passer une palette sans devoir la défilmer et dépalettiser. Bonjour la livraison de papier à midi quand les agents sont au réf et qu’il pleut, il va falloir sérieusement penser à investir dans une grenouille pour prévoir le temps avant de commander

 Le bon vieux coup de faire plusieurs petites cours de récréation, pour être certain qu’il y ait toujours des endroits échappant à toute surveillance.

 Ces espaces verts proches de l’entrée sont magnifiques, mais sachant qu’ils seront impitoyablement piétinés, outre le fait qu’ils sont condamnés à brève échéance au bétonnage, dans l’intervalle qui va devoir constamment enlever des traces de boue dans le hall ?

 La cour est un peu en pente de ce côté ? Avez-vous vraiment calculé l’évacuation des eaux de pluie de manière que le bâtiment en contrebas ne soit pas inondé au premier orage ?

D’une manière générale en ce qui concerne les pentes, il y a deux écoles : ceux qui en fichent partout même quand le terrain initial était plat, et ça fait un cardio-training permanent ; ceux qui vous font de belles étendues plates qu’une réalisation foireuse transformera en succession de flaques d’eau de 5cm de profondeur. Je ne sais pas quel est le pire...

Faites chauffer l’imagination : qu’est-ce qui sera détourné ?

Une activité essentielle qui requiert à la fois pas mal d’expérience et de mauvaise foi, c’est de rechercher activement tout ce que les gamins vont bien pouvoir inventer pour démolir le bel établissement des rêves de l’architecte. Car l’archi est naïf : il croit que les enfants seront contents d’aller dans "son" école.

 Ce couloir qui dessine une magnifique courbe qui épouse la forme de la colline, superbe, mais un élève pourra pisser contre une porte à cinq mètres d’un surveillant sans que celui-ci ne puisse le voir.

 Cet escalier de secours sera un endroit idéal pour se tirer du bahut à tout moment, et bien entendu il sera impossible d’en verrouiller l’accès sans remettre en question tout le dispositif de sécurité.

 Ce modèle de rampe dans l’escalier est très joli, mais beaucoup trop pratique pour l’utiliser comme piste de surf.

 C’est sympa de faire une porte pour les profs à l’entrée du réfectoire, mais si les élèves rentrent par là pour resquiller, on fait quoi ?

 Bien entendu, ce pilier près de l’entrée de l’établissement est probablement préférable pour que l’étage ne s’écroule pas, mais placé à cet endroit précis, il permettra aux gamins d’échapper au regard de la loge.

 C’est sympa de la part de l’archi de dessiner les meubles du CDI, mais ces beaux machins en bois massif, les élèves vont se planquer derrière et faire des batailles rangées à se jeter les bouquins dessus. Alors on se calme et on prend ce qu’on peut trouver dans le catalogue UGAP.

Études techniques : mettez le holà

Dans votre beau bâtiment HQE, pour obtenir le confort thermique sans gaspillage, les radiateurs des salles de cours auront des têtes thermostatiques. Durée de vie : trois mois.

Le meilleur conseil que vous puissiez donner aux gens qui font les choix techniques, c’est de se renseigner sur ce qui se fait dans le domaine pénitentiaire, je suppose que c’est à peu près au point pour survivre quelques mois aux dingues qui fréquentent les mêmes salles de classes que nos enfants. Tout ce qui peut être réglé sera déréglé ou démoli, tout ce qui présente la plus petite fragilité sera détruit ; tout ce qui peut faire du bruit qui dérangera le cours sera largement utilisé.

 Pour l’éclairage du réfectoire, pas d’interrupteur à portée d’élève.

 Les armoires électriques se ferment avec une serrure, pas un carré !

 Ce passage vers les logements doit être barré d’une grille infranchissable sans clé.

 Ce modèle de radar à détection de présence pour éclairer les couloirs peut être rabattu contre le mur par un joueur de basket, retoqué !

 Avec moins de 2 m 50 de plafond dans ce couloir, je ne sais pas ce que dit la norme, mais toute personne qui a déjà mis les pieds dans un lycée vous confirmera que les dalles de faux-plafond sauteront toutes les semaines.


Bref, paranoïa et mauvaise foi seront vos meilleures alliées dans cette phase. Rajoutez-en, soyez odieux. Rien de pire qu’un chantier de Bisounours, quand on sait quelle engeance prendra possession des lieux quelques mois plus tard !

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