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S’orienter sur un chantier

Qui sont les acteurs de la rénovation d’un bahut ?

dimanche 7 septembre 2008, par L’intendant zonard

Un peu de vocabulaire pour acquérir rapidement "du métier", et comprendre qui fait quoi. Un chantier, c’est une fourmilière de dizaines de chefs de tous les genres, chacun avec des responsabilités très précises, pas connues du grand public. Savoir en jouer, pour l’équipe de direction de l’établissement, c’est assurer une rénovation dans les meilleures conditions. Il faut donc soigneusement réfléchir non seulement à ce que l’on dit, mais à qui, comment, et où : tout compte.

Attention, article fleuve. Et, pour ne pas changer, tout est issu de mon observation (et je n’ai pas dit de mon expérience...) sous réserve donc que j’ai mal compris ou que j’ai eu à observer des pratiques pas habituelles.

La maîtrise d’ouvrage

En premier lieu est le (futur) propriétaire des bâtiments à construire. Dans notre cas, ça sera un conseil régional ou général. Il importe de bien comprendre l’organigramme de la collectivité, pour savoir quel service est en charge de la programmation, de la construction, de la maintenance.

Il est utile de jeter un œil sur le trombinoscope des élus, et de repérer le vice-président chargé de l’Éducation, et l’élu local (si l’on ne l’a pas déjà repéré en tant qu’habitant/électeur du coin) : ça serait dommage de passer pour une andouille en étant le seul à ne pas identifier tout de suite ces gens habitués à ce que leur importance soit étalée en grand ; en période de reconstruction, une visite surprise n’est jamais à exclure.

Dans le jargon, le propriétaire est le maître d’ouvrage. Retenez bien : le propriétaire a la maîtrise de l’ouvrage, comprendre du bâtiment tel qu’il doit être construit, puis tel qu’il est réalisé (avec un hiatus entre les deux, on y reviendra).

Suivant les pratiques de la collectivité de rattachement, l’établissement en rénovation sera suivi par l’ingénieur/technicien de site habituel, ou une personne chargée spécifiquement des chantiers. Inutile de dire qu’il vaut mieux quelqu’un qui ne fait que ça : je connais une CT où un ingénieur de secteur peut avoir à suivre cinq ou six chantiers lourds en même temps, plus le fonctionnement normal d’une dizaine de bahuts. Avec des résultats... bref ! Sans parler du fait que les relations entre l’établissement et ces représentants du propriétaire sont bien différents dans un cas et l’autre : le gars avec lequel on gère l’établissement sur le long terme, on le ménage ; le mercenaire qui fait son chantier et qu’on ne verra plus après, je ne me serais pas gêné pour lui dire franchement certaines choses.

En tout cas, il n’est pas du tout superflu que le chef d’établissement ou le gestionnaire connaisse bien le ou les supérieurs hiérarchiques, pour râler quand les choses se passent vraiment trop mal.

Mais connaître les arcanes de la collectivité de rattachement ne suffit pas, puisque la pratique courante consiste à déléguer la maîtrise d’ouvrage.

La délégation de maîtrise d’ouvrage

Le boulot très particulier de suivi de la construction de plusieurs milliers de mètres carrés est généralement délégué à un cabinet dont c’est la spécialité. Ce n’est pas systématique, mais très courant et très recommandé.

En effet, le travail de la maîtrise d’ouvrage est fait d’une paperasserie effrayante : non seulement il y a des règles très précises sur le déclenchement des règlements aux entreprises (telle proportion au début des travaux, telle proportion une fois le clos et le couvert, etc...), mais en plus dans notre cas il y a toute l’ingénierie des marchés publics, et là c’est pas des MAPA à la petite semaine !

D’ailleurs, rien que pour le problème des marchés, les politiques préfèrent déléguer la maîtrise d’ouvrage, pour interdire toute rumeur de marchés truqués (bon, la délégation de maîtrise d’ouvrage est concédée par marché qu’on pourrait essayer de bidouiller, mais ça devient plus difficile de se faire payer une villa de vacances, je pense).

Il faut donc à l’équipe de direction de l’établissement rénové établir un contact de confiance avec la maîtrise d’ouvrage déléguée. Leur boulot est blindé de contraintes dans tous les sens, par le CMP, les cahiers des charges des différents marchés, le code de la Construction, les contraintes des entreprises (cf. infra), les désidérata de la collectivité qui les paie, et, en tout dernier lieu, les petites demandes du lycée.

Toute l’intelligence de la situation est donc d’annoncer clairement à la maîtrise d’ouvrage déléguée que le lycée peut devenir leurs yeux et leurs oreilles sur le chantier, et qu’on peut les tenir informés de tout ce qu’on voit. Si le délégué vous demande de surveiller tel point (avancement d’un travail qui doit être fait dans tels délais...), vous saurez que le partenariat est bien là , et il faudra soigneusement l’entretenir.

Pourquoi faire copain avec la maîtrise d’ouvrage déléguée ? C’est eux qui ont le fric, donc le pouvoir sur les entreprises. Si vous dites à la délégation que le travail de l’électricien est bâclé, et qu’il vous écoute, l’électricien sera obligé de refaire son boulot correctement s’il veut être payé. C’est n’est donc pas un luxe...

La maîtrise d’œuvre

Le maître d’œuvre désigne le responsable du travail de construction, par opposition au maître d’ouvrage qui s’intéresse à ce qui est réalisé, mais pas au comment. Typiquement, c’est l’architecte.

En effet, l’archi ne se contente pas de faire un joli dessin, il calcule l’épaisseur des murs porteurs selon la résistance des matériaux, mais il gère aussi les questions d’isolation et de puissance de chauffage à assurer, de placement des réseaux, de confort acoustique, de prévision des parcours d’évacuation...

Dans ces tâches de planification de détail très techniques (application d’une réglementation qui fait l’objet de blagues à force d’être tatillonne et surtout changeante), l’architecte se fait généralement aider par un bureau d’études. Je ne crois pas qu’on puisse copiner d’aucune manière avec les gars du bureau d’études : on ne peut que prier pour qu’ils soient un minimum sérieux. Si le bureau d’études est nul, le gestionnaire peut aller jusqu’à la fin du chantier, mais après il vaut mieux muter.

Sur le terrain, vous ne devriez pas souvent voir l’Architecte avec un grand A, celui qui "signe" le bâtiment. Celui-là , il ne fait que les jolis dessins, et de temps en temps il passe le temps de choisir la couleur du carrelage (celle qui fait que même en lavant deux fois par jour ça n’aura jamais l’air net...).

Le grand monsieur au regard acéré ne se coltinera normalement pas les réunions dans un préfabriqué, le bruit incommodant des grues et toutes ces choses salissantes. Il paie (très mal) un collaborateur pour ça, qui a fait des études d’archi, qui est archi reconnu par l’Ordre, mais qui n’a pas un cabinet à lui, et ronge son frein en attendant le jour où, lui aussi, il pourra proposer sa grande idée pour la salle des débats du Parlement européen, la BNF, la pyramide du Louvre ou un truc de ce genre. Sans parler du fait que si ça se passe mal, il est un fusible tout désigné.

Quelles relations tisser avec "le petit archi" ? Du soutien et de la compréhension d’abord, parce que son rôle est facilement conflictuel, et que c’est vraiment un soutier qui se fait avoir par un employeur même pas forcément aimable. Qu’en attendre ? S’il faut déplacer une porte ou modifier un type de fenêtre (avant qu’il soit trop tard), c’est lui qui pourra le faire, dans le respect des spécifications du programme. Et en géneral c’est pas du luxe...

Il y a, dans le sillage de la maîtrise d’ouvrage, le pilote, qui est chargé de cordonner les entreprises entre elles, notamment par la planification des phases du chantier, en constante évolution du fait des intempéries, des problèmes d’approvisionnement, et des engueulades entre les corps de métier.

Le pilote doit absolument être aidé par l’établissement, parce que les délais sont l’enjeu numéro un sur un chantier. Or, l’établissement, avec ses dizaines de personnels et ses centaines d’élèves, voit beaucoup de choses, que les cadres du chantier ne voient pas toujours. Et puis l’établissement a ses propres contraintes à respecter : le pilote doit savoir que les jours d’épreuves (bac ou DNB...), il ne faudra faire aucun bruit, qu’il y a des heures où l’on peut couper l’eau et pas d’autres, etc.

Bien s’entendre avec le pilote permet d’avoir en sous-main des informations importantes sur le déroulement, sur le mode : normalement le bâtiment devrait être prêt le 20 août, mais comme je sais que la fille du chef plombier se marie à la mi-juillet et que le lot peinture a un chantier en retard dans la ville d’à côté et qu’ils vont probablement prendre du monde ici pour faire face, on va prendre une semaine de retard, et on risque de ne pas livrer à la rentrée. Information stratégique vous en conviendrez.

Les entreprises

Leur structuration est dictée par le mode choisi au moment de déclencher les marchés : une entreprise générale, ou des lots plus ou moins étendus. Mais, au final, la sous-traitance étant la règle, il y aura pas mal de gens.

Les sous-traitants doivent être déclarés à la maîtrise d’ouvrage, pour être payés directement par elle, dès le dépassement d’un seuil très bas. Une connaissance m’a rapporté le cas d’un sous-traitant qui n’avait pas vérifié s’il était déclaré, ayant du fermer sa boutique, vendre son logement, parce qu’il travaillait pour un salaud qui a fait une faillite frauduleuse en pleine opération : la crapule avait encaissé l’argent de la maîtrise d’ouvrage et pas payé son sous-traitant. L’angoisse.

Bref, il y a plein de boîtes partout, et il importe de connaître leurs relations entre elles. Si elles appartiennent à la même super-entreprise ou pas ou à deux très grosses boîtes concurrentes, si elles sont solidaires sur la réalisation d’un lot, qui est sous-traitant de qui... Dans la partie d’échecs que doit jouer l’équipe de l’établissement pour favoriser l’intérêt de la communauté scolaire, tout compte.

Ensuite, faire ami-ami avec les entreprises, c’est pas très difficile : on leur ouvre la porte, on leur offre le café, on apprend les prénoms et on se tape sur l’épaule le matin à la reprise... et on évite de leur rentrer dans le chou quand ils font des bétises : on va les voir d’abord en leur disant que c’est pas bien et qu’ils ont le temps de corriger ça avant que la maîtrise d’œuvre/ouvrage s’en mêle.

Ça permet de se prémunir contre tout un tas de malfaçons, d’obtenir des petits détails qui faciliteront l’utilisation ultérieure des bâtiments. Et, à la marge, de choisir le carrelage dans la cuisine des logements, s’ils font partie de l’opération, mais attention : on se fait très vite happer dans un système de je-te-tiens-tu-me-tiens par la barbichette !

Ensuite, il y a les mauvaises entreprises, celles avec lesquelles on n’a pas envie de bien s’entendre. Dans ces cas-là , faites toujours la différence entre les gars sur le terrain, souvent mal payés, qui ne choisissent guère les matériaux ou les outils qu’on leur donne, et leurs chefs, qui viennent une fois tous les 15 jours dans leur grosse voiture allemande s’assurer que l’argent de leurs cigares continue à rentrer.

Là encore, un collègue m’a expliqué qu’il avait vu des gars tenter de s’occuper parce que leur chef ne leur fournissait pas la matière d’œuvre, puis à la fin du chantier en prenant des nouvelles, il avait appris que les ouvriers sympa étaient aux prud’hommes : trois ou quatre mois de salaires pas payés. L’établissement peut témoigner, ça peut peser...

Le bureau de contrôle

On connaît ces gens-là pour des prestations courantes de certification de nos installations (SSI, ascenseur, etc...). Ils jouent un rôle important dans les chantiers, pour des visites préalables à la livraison des installations. Il est essentiel de connaître et de bien noter, à l’agenda du gestionnaire, les dates et les objectifs de chaque visite d’un bureau de contrôle.

En suivant le contrôleur, on va pouvoir découvrir les malfaçons et aberrations que le bureau d’études aura laissé passer, ou mieux encore les signaler au fur et à mesure pour qu’elles apparaissent sur le rapport. Un rapport de contrôle sans observation, c’est ensuite, de la part de la maîtrise d’ouvrage et des entreprises, une fin de non recevoir pour toute demande de correction émise par l’établissement.

Les experts

S’il y a des experts, c’est mal barré : c’est qu’il y a conflit qu’il faut trancher. Comme pour le bureau de contrôle, il est important d’accompagner l’expert dans sa visite, pour s’assurer qu’il ait connaissance de tous les éléments, ce qui est propice à l’accélération du dossier. Se méfier comme de la peste des experts qui demandent

Et l’établissement dans tout ça ?

Le bahut a un nom dans l’opération : l’utilisateur. Et comme ce sobriquet l’implique, il se contente d’utiliser ce qu’on lui a remis, point barre. Il n’a aucune existence sur le chantier, et est prié de se faire oublier.

Tout le boulot d’un bon gestionnaire bien informé, c’est justement de ne pas se laisser oublier, mais de s’imposer en douceur auprès de chacun des acteurs de l’opération. La catastrophe, ça serait de demander la mauvaise chose à la mauvaise personne. Parler de planification à la maîtrise d’ouvrage, de qualité de la prestation à la maîtrise d’œuvre... des bêtises qui bloquent les énergies et vont à l’encontre des objectifs recherchés !

Le chef d’établissement a tout de même une responsabilité écrasante quant à la sécurité du public continuant à fréquenter l’établissement, dans le cas d’un chantier en site occupé. Ce point très précis, qui sera respecté par tous même les plus pénibles des intervenants sur un chantier, est le point de force qu’il faudra savoir utiliser, à l’occasion, pour influencer le cours des choses. Mais avec parcimonie et subtilité.


Inutile de préciser que ça fait des dizaines de numéros de téléphone à répertorier soigneusement, à l’intendance, chez le chef, mais à la loge aussi, pour les situations d’urgence. Notez donc le nom, le prénom, la fonction, l’entreprise, les compétences précises... Bien entendu, c’est donnant-donnant, il faudra fournir des numéros de portable aux gens du chantier, même si le gestionnaire va prendre, parfois et par accident, quelques jours de repos.

Et pourquoi pas faire une cartographie des forces en présence ? Un trombinoscope ? En cas de changement de personnel dans l’établissement, ça peut être essentiel.

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