Faites-vous recruter ! La TRE appliquée à la BIEP

Travail préalable : votre projet

Où allez-vous ? Jusqu’où irez-vous ? Il est indispensable que vous ayez fait une introspection. Les fonctionnaires sont souvent très inhibés : on entre souvent dans la fonction publique plutôt que dans une carrière privée par aversion au risque, en recherchant une certaine forme d’apaisement au travail. Mais si vous me lisez, c’est que la catégorie C ne vous convenait déjà plus, je me trompe ?

Les postes de grands manitous (SG d’académie, DGS d’université, chefs de bureau d’administration centrale, et y a pire) sont tenus par des êtres humains qui, désolé d’être trivial, ont eux aussi besoin de se nourrir, et d’excréter après ! Ils ont cultivé leur résilience face à des événements imprévisibles, face à une certaine adversité pouvant dériver en agressivité dans certains cas, face à une commande hiérarchique qui parfois part dans n’importe quel sens. Tiens, c’est pas exactement les qualités d’un adjoint gestionnaire d’EPLE, tout ça ? Oui, j’en suis convaincu, un intendant qui a fait le job pourrait faire un préfet très correct.

Si vous n’êtes pas emballé.e par ma petite provoc’ ci-dessus, faites votre examen de conscience : n’auriez-vous pas par hasard trop bien intégré des limites et des contraintes plus ou moins imaginaires des habitus sociaux ? Femme, ne te sens-tu pas illégitime là où aucun poilu impudent se voit très bien dans le costume du grand patron ? Issu.e de l’immigration, ne serais-tu pas enclin.e à rester à une place qu’on t’a assignée, voire à avoir l’impression que ce serait trahir tes origines que de trop bien réussir ? Ex-ado perturbé n’ayant pas réussi tes études, décideras-tu une bonne fois pour toutes de solder cet échec momentané ?

Même s’il ne manquera pas d’occasions de se faire rabattre son caquet, d’entendre qu’on prétend péter plus haut que son râble, si vous laissez ce genre de doute décider de votre carrière, de votre vie, de la trajectoire que prendra toute votre famille, vous vous préparez des lendemains bien tristes. Pis encore : vous donneriez raison à ceux des élèves de votre EPLE qui "intériorisent l’échec", et, considérant que leur couleur de peau ou autre ne leur laissera aucune chance, préfèrent perturber l’enseignement plutôt que tenter de s’en sortir.

Pour finir, cette citation de mon arrière-grand-père :

Si tu veux être un bon soldat, ne dis pas "je veux être soldat",
mais dis "je veux être général".

Travail préalable : votre CV

C’est évidemment une chose à faire très soigneusement. Commencez cela très en amont, par exemple c’est bête, mais mettre en forme son CV est pertinent dans le cadre de la préparation du principalat, même si ce n’est pas à ce moment qu’on va le montrer.

Il y a des gabarits proches de l’officiel pour les CV, ce qui me semble une bonne chose à employer. Je pense en particulier au format Europass. Il est recommandé de mettre en haut ce qui est récent, et en descendant on retourne vers le passé.

En termes de volume, on me dira peut-être un jour que c’est très mauvais, mais mon CV fait quatre pages. Il y a au moins un recrutement où il était indiqué que c’était trois pages maximum. Dans ce que j’utilise, les expériences successives sont présentées dans un cadre ressemblant à cela :

En remontant dans le temps, je n’ai pas laissé un tel cadre pour chaque poste que j’ai tenu, et fait un paragraphe résumant le début de carrière qui est moins pertinent pour ce que je cherche à atteindre désormais.

Ne négligez jamais de faire un bloc pour les centres d’intérêt personnel : les recruteurs s’appuient dessus pour se faire une image globale de la personnalité du candidat.

Bon à prendre : la boîte à outils du candidat proposée par la région Île-de-France (en bas de page)

La photo que vous mettrez en haut du CV

Pas question de faux-semblants, il faut une photo. On n’est pas dans le monde violent du privé, mais entre fonctionnaires de la République, et une discrimination n’est pas envisageable. Donc rien ne s’oppose à mettre une image de soi, que l’on va gérer correctement. On est bien entendu en full numérique, intégré au document, pas dans une définition qui plombera le poids du fichier. Pour que cela soit correct à l’impression, les personnes de couleur auront peut-être besoin de ces conseils.

Faites-vous prendre en photo dans les conditions idéales, un jour où vous êtes en forme, correctement coiffé.e et habillé avec goût. Choisissez le ton de l’arrière-plan, qui sera indistinct ou flou : moi j’aime bien mettre du vert, de la végétation, dans la nature ou ça y ressemble, cela fait partie du message que je veux envoyer.

Une photo d’identité naturelle consiste à tourner le corps à 30 à 45°, et tourner la tête vers l’appareil. Voyez avec le photographe pour le relevé du menton, ou faites des essais si vous faites cela seul avec un retardateur. Pour le regard, pointez-le juste en-dessous de l’objectif : en plein dedans ça peut être agressif, et surtout pas au-dessus, ça donne un air ahuri. Ne faites sous aucun prétexte un selfie en duckface, c’est affreux, on parle de choses sérieuses quand même.

Le problème de l’état des services

Certaines offres d’emploi - les gros trucs en général - exigent qu’un état des services soit fourni dès le stade de l’envoi de la candidature. L’état des services est produit par votre service gestionnaire (DPAOS ou autre intitulé de la division du rectorat), qui plus est il doit être signé, donc faire le tour du rectorat dans un parapheur avant de vous être adressé.

D’expérience (amère), Lapinator vous prévient : demandez un EDS à votre rectorat dès le premier jour où vous commencez à vous dire que vous allez chercher un poste ! Parce que voir arriver l’échéance d’une publication qui vous intéressait, en désespérant que le rectorat, probablement englué dans RenoiRH ou une cochonnerie de ce genre, vous fournisse ce foutu document sans lequel vous ne pouvez pas envoyer votre candidature, ça fout la rage !

La BIEP

Oui, jeû sais, le machin ne s’appelle plus la Bourse interministérielle de l’emploi public, mais Place de l’emploi public. Ah, non, on me dit dans l’oreillette que c’est désormais Choisir le service public. Trop tard, ils m’ont perdu, pour moi ça sera la BIEP épicétou.

Le bouzin a progressé depuis ses débuts, et on s’y retrouve moins mal. Révolue l’époque où, dans les critères géographiques, il y avait, tout en bas de la liste après l’Outre-mer et l’étranger, apparaissaient les "académies" : souvenirs d’une époque où les postes à Paris n’étaient accessibles qu’à ceux qui connaissaient le truc, no comment.

Armez-vous de patience, car même avec un PC de compétition et une liaison fibre optique, ça répond leeenntement. Visiblement c’est le même serveur que l’UGAP ! ;-)

Commencez par vous créer un compte et remplir intégralement votre profil. À ce jour il semble qu’il ne soit jamais arrivé qu’un recruteur fasse lui-même ses courses parmi les profils déclarés, mais ça pourrait advenir, soyez prêt.e !

Muni.e d’un compte, vous pourrez demander des alertes automatisées pour une recherche bien précise. Vous pourrez aussi cliquer sur l’étoile, pour constituer une sélection d’offres d’emploi "favorites", auxquelles vous répondrez par lots : vous serez plus efficace en faisant d’abord la sélection, ensuite une salve de candidatures.

Attention à la fonction de candidature via CSP : il n’y a qu’une minorité d’employeurs qui l’ont activé... et ils ne savent pas forcément comment ça marche ! Vécu de lapin énervé : une candidature ainsi émise, pour laquelle j’avais reçu un rassurant accusé de réception, n’a en fait jamais été portée à la connaissance de l’administration à laquelle je m’adressais. Sans snober cette fonctionnalité, qui tôt ou tard trouvera toute son utilité et se banalisera, soyez prudent et doublez systématiquement votre candidature par un envoi par courriel.

Les autres plateformes de recrutement ?

Vous vous doutez bien que, allergique aux zérosociox, je ne vais pas vous envoyer vers LinkedIn. La BIEP doit suffire, en bon républicain je me refuse à considérer qu’il faudrait faire autrement.

Pour les collectivités territoriales, j’ignore pourquoi elles ne se contentent pas de la BIEP, beaucoup de choses se passent sur https://emploi-territorial.fr/ qui est financé sur fonds publics et organisé par un GIP. Même chose alors : créez-vous un compte où vous déposez votre CV et renseignez votre profil, tout se passe de la même manière.

Toutefois, au fur et à mesure que vous viserez des postes "de maître du monde", les employeurs auront tendance à passer par des cabinets de recrutement. J’ai connaissance de trois cabinets qui sont bien installés sur le marché des recrutements de cadres publics :

• https://fursac-anselin.fr/
• https://quadra-consultants.com/
• https://www.lightconsultants.fr/

Mais une recherche sur le ouaibe donne plein d’autres encore, qui ne sont pas forcément moins bons. J’ai vu un recrutement se faire avec l’un de ces cabinets : ça prend du temps, et la facture était à cinq chiffres ! Je ne leur veux pas de mal, mais sincèrement, pour que des fonctionnaires recrutent d’autres fonctionnaires, je ne vois pas trop pourquoi la BIEP ne serait pas suffisante. Donc : aidez votre futur employeur à économiser de l’argent, répondez sur la BIEP ! Si de nombreux gestionnaires d’EPLE bourrés de talent sont prompts à répondre aux offres d’emploi de grand manitou à plumes, les recruteurs finiront par s’y faire, et on sera tous gagnants, même notre vieux pote le contribuable.

À qui s’adresse votre lettre de motivation ?

Ne vous est-il jamais arrivé de recevoir une demande de stage où le gamin vous parle du "dynamisme de votre entreprise", ou ce genre d’idiotie ? Ne soyez pas aussi médiocre, et bossez proprement vos lettres de motivation.

Une LM correcte procède du travail préalable suivant :

• une lecture attentive du profil de poste publié
• une recherche sur l’employeur, son rayon d’action, la culture de la boîte, les événements récents et les défis qu’il affronte ou devra prochainement affronter
• une recherche sur les personnes auxquelles vous vous adressez : écrire à un proviseur pour un beau poste de SG, ce n’est pas la même chose que s’adresser à un personnel du rectorat qui doit faire le premier tri pour le même poste. Mais au-delà, "googler" les noms des correspondants peut vous donner l’inspiration, pour flagorner, à toute petite dose bien entendu.

Cela dit, quand vous commencez à trouver les mots pour présenter ce que vous pouvez offrir, il y a des paragraphes entiers qui devraient pouvoir être repris d’une lettre de motivation à l’autre. La LM tient en un recto-verso, elle est désormais dactylographiée, mais ajoutez-y un scan de votre signature, quand même, pour humaniser un minimum. Enfin pour, mine de rien, montrer mon acculturation à une démarche qualité, je mets toujours un pied de page.

Je ne vous recommande pas de seulement mettre des éléments de motivation dans le corps de votre courriel avec le seul CV comme pièce jointe : cela ne serait pas mettre toutes les chances de son côté, et le médium courriel induit une autre forme de communication, moins propice à motiver le recruteur. Mais votre message devra nécessairement comporter une phrase ou deux pour inciter à ouvrir les pièces jointes, c’est inévitable. Au passage vous y démontrerez votre capacité à faire un teasing, à donner envie. Naturellement, hors de question d’envoyer votre LM au format source, il faudra nécessairement un PDF.

Assurer méthodiquement le suivi de vos candidatures

Si vous êtes confortablement en poste et que vous vous contentez de tenter, on ne sait jamais, d’avoir le truc de vos rêves, tout ce que j’indique supra sera suffisant. Mais si vous êtes avec la mitraillette entre les omoplates, pressé de partir à tout prix et le plus vite possible, par exemple en cas d’accident de chef d’établissement, il faudra être plus méthodique.

C’est pourquoi je vous propose d’assurer le suivi des dizaines (oui, des dizaines !) de candidatures que vous émettrez pour pouvoir déguerpir. Vous aurez besoin de l’ensemble des renseignements sur chaque dossier, dans ce tableau que vous verrez se remplir au fil du temps passant : cela compensera un peu votre stress de ne pas parvenir à décoller immédiatement.

Un tel tableau pourra aussi représenter un élément de désinhibition pour vous, pour vous inciter à voir les choses avec un peu plus d’audace pour que ça finisse par marcher : s’il y a de la latence, embrasser d’un seul regard vos tentatives qui font long feu vous inspirera peut-être un autre angle d’attaque.

En parallèle, organisez proprement les traces de vos candidatures. Faites un sous-répertoire pour chacune, dans lequel seront stockés votre lettre de motivation (au format source et le PDF que vous aurez envoyé), pourquoi pas l’impression PDF des courriels reçus de confirmation etc., et surtout le PDF du profil de poste publié sur la BIEP. En effet, ça ne semble pas évident, mais comme les publications à la BIEP sont temporaires, vous pouvez vous retrouver à recontacter l’employeur pour une offre d’emploi dont vous ne pouvez plus relire le profil, c’est pénible ! Donc enregistrez systématiquement toute offre à laquelle vous répondez.