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Le rêve éveillé des gastronomes

New Meat, la viande en kit

jeudi 30 décembre 2004, par L’intendant zonard

Peur de la vache folle ?
Effaré par le cirque de la fièvre aphteuse ?
Pas envie de bouffer de la dioxine ?
Problèmes de conscience, pas envie de tuer d’innocents animaux et de "bouffer du cadavre" ?

Voici LA solution. C’est bien involontairement Jean-Pierre Coffe qui me l’a inspirée. Dans son émission intitulée "Ca se bouffe pas, ça se mange" sur France Inter en avril 2000 (le 1er jour du mois il me semble), il annonçait un progrès présenté comme déterminant dans la filière viande : le moubochon, animal transgénique particulièrement rentable et adapté aux exigences de l’exploitation industrielle.

En écoutant ces enthousiastes discours, je me disais que le problème n’était que reporté, qu’il fallait aller plus loin dans la modernisation de notre alimentation carnée.

EUREKA ! Découvrez Newmeat, le rêve éveillé des gastronomes

Dans l’heure qui suivait, hasard des choses, j’utilisais la yaourtière héritée de ma grande-tante. Et là mon cerveau bouillonnant a su voir l’avenir dans cette yaourtière. Miam-miam, soyez attentifs et découvrez notre futur gastronomique !

Vous rappelez vous cette petite boîte dans laquelle on faisait ses yaourts à la maison ? Eh bien elle va reprendre du service. Oh, ça sera un modèle amélioré, bien sûr. Mais le principe sera le même : on mettra un liquide spécial, un tout petit peu de "levure" de steak transgénique, on branche et hop, en une douzaine d’heures, mââgique, ça fera de la bidoche.

Une variété fantastique de goûts

Évidemment on pourra choisir la "levure" : il y aura des sachets pour faire du boeuf (avec la version de luxe, filet de bœuf de Salers par exemple), ou bien de la dinde, du porc, de l’autruche, et même du crocodile ou du requin, il y aura un choix formidable ! La "levure" sera une souche de cellules musculaires de l’animal choisi, génétiquement modifiée pour s’adapter à cette nouvelle forme de production, avec des hormones, des colorants et des arômes artificiels bien dosés. Le tout dans un tout petit sachet à conserver au réfrigérateur, et à éviter de manger tel quel car on pourrait se retrouver avec un filet mignon qui se développe de manière clandestine dans l’estomac.

Le liquide nutritif sera un extrait savamment dosé de nutriments (protéines de soja transgénique, sucres, vitamines, oligo-éléments apportés par l’industrie minière). Ce liquide sera vendu en briques Tetra Pak (R) stérilisées UHT ou bien en boîtes de conserve. Il y aura des nutriments garantis compatibles avec certaines souches de viande : par exemple, si on essaie de faire du poulet avec le liquide pour le bœuf, il y aura trop de fer et ça aura un goût de rouillé, bien sûr.

Une sécurité et une praticité d’emploi sans égales

Avec ces ingrédients stables dans le temps, plus jamais on ne craindra de manger de la viande passée. Les risques de maladies comme la vache folle seront exclus, de même que le ver solitaire (ah, un tartare de porc transgénique !). Les élevages disparus, il n’y aura plus de fièvre aphteuse, de brucellose. Pour faire des conserves maison, plus de risque de botulisme. Pour votre carpaccio, impossible de trouver une viande plus fraîche, plus tendre !

Sachets individuels
Une présentation moderne et pratique

Pour les voyageurs, les randonneurs, les navigateurs solitaires et les alpinistes, les modèles légers d’étuves à piles permettront de disposer d’un menu équilibré et savoureux dans toutes les conditions même les plus difficiles. Encore plus fort, pour les militaires en campagne, fini les boîtes de singe ! Les règles de tenue de stock dans les intendances militaires en seront bouleversées.

L’aliment diététique idéal

Et oui, car il y aura des kits light, qui permettront de produire une viande absolument exempte de toute graisse. Idéal pour maintenir la ligne tout en conservant le plaisir, parfait pour les régimes hyper-protéinés qui obligeaient jusqu’à maintenant à bouffer de la poudre. De même, on pourra acheter des préparations garanties sans la moindre trace de sel, pour les régimes hypo-sodés. Bien sûr on trouvera des produits "spécial santé" à teneur garantie en vitamines, pour la croissance des enfants, etc.

Le respect des professionnels

Et puis il y aura toujours des bouchers, qui vendront une viande de qualité spéciale, grâce à des procédés de maturation dans de plus grandes étuves. Cela sera plus sympathique de s’adresser à eux pour acheter un gros gigot qui ne pourrait pas rentrer dans la petite yaourtière familiale.

Les boucheries disposeront de souches réservées de "levure", de manière à leur conserver un avantage gustatif par rapport à la production maison. Ils pourront pratiquer la maturation de la viande "à l’ancienne" (en effet, il y a quelques années la viande de bœuf était considérée comme meilleure après deux ou trois semaines de maturation en chambre froide avant sa découpe, pratique moyenâgeuse heureusement disparue grâce à nos amis de la grande distribution).

Un produit adapté à tous les goûts
Toutes les cultures culinaires trouveront leur compte dans NewMeat : ici par exemple le marché coréen

Pour les amateurs de viandes plus fermes, les "nouveaux bouchers" auront des appareils qui, en émettant des impulsions électriques dans la viande, la feront se contracter, et ainsi lui donneront plus de tenue par des "séances de musculation".

Cantines scolaires : enfin la traçabilité parfaite

La restauration collective, et notamment les cantines scolaires, tireront aussi profit de ces innovations, par exemple en n’étant plus contraints de conserver des aliments en chambre froide négative (-23°C), puisqu’ils seront toujours frais et fabriqués sur place au fur et à mesure. Il sera beaucoup plus simple de proposer un grand choix de menus, avec un approvisionnement simplifié en une ou deux références de concentrés faciles à manipuler que les professionnels délaieront avec de l’eau et des souches musculaires.

La liberté créative des cordon-bleus

Vous pouvez donc vous rendre compte, que ce procédé bientôt disponible dans nos foyers, est l’ami de la véritable cuisine maison : choix du goût grâce à des possibilités inédites de mélanges. Pourquoi ne pas créer à la maison une nouvelle race de viande en mélangeant les souches de gigot d’agneau avec celles de râble de lapin ? Voilà une belle incitation à faire la cuisine à la maison, même si on n’a pas pu prévoir et faire les courses !

De même, jamais on n’aura pu autant contrôler le goût de la viande. Aujourd’hui qui peut goûter le bœuf japonais de la Cour impériale élevé au saké et dont la viande tendre est, paraît-il, inégalable ? Personne. Mais avec une petite dose d’alcool dans la préparation, rendez-vous à Kyoto ! Ce n’est pas tout : avec la possibilité d’adjoindre du sucre, des arômes comme la vanille, les premiers desserts à base de viande apparaîtront chez les grands gastronomes, sur les meilleures tables. Amis Anglais, vous ne serez plus obligés de mettre de la sauce à la menthe sur l’agneau, elle sera dedans !

La fin des déchets animaux encombrants, une option écologique et éthique à la fois

Le problème des farines de viande sera réglé : il n’y aura plus de carcasses d’animaux à mettre à l’équarrissage. Le cuir viendra à manquer, hélas. Et bien sûr, plus de problème de pollution de la nappe phréatique par le lisier de porc par exemple. L’auto-suffisance alimentaire des pays du Tiers-Monde sera améliorée. Certes, les brevets appartiendront tous à des multinationales pharmaceutiques auxquelles il faudra verser d’immenses royalties, mais qui s’y arrêtera ?

Encore mieux : ce sera la fin de toute cruauté envers les animaux. En effet, il n’y aura pas la moindre cellule nerveuse dans ces préparations (les expériences pour produire de la cervelle d’agneau seront longues et difficiles), donc aucune intelligence, ni même de vie à respecter. Les végétariens pourront enfin manger de la viande, et même les Hindous manger du bœuf sans porter atteinte aux vaches sacrées ; les Musulmans mangeront enfin du saucisson qui ne viendra pas d’un animal impur, mais de cellules-souches approuvées par les autorités religieuses.

La fantaisie dans votre assiette

Imaginez l’aspect ludique de la chose aussi : les modèles de luxe d’étuves à culture de viande proposeront de nombreux accessoires, parmi lesquels des moules. Ainsi votre viande pourra avoir n’importe quelle forme : le rectangle normal, mais aussi une jolie imitation de l’aspect des steaks "d’avant", ou bien d’une cuisse de poulet ou de lapin (avec les os en plastique à placer dans le boîtier). Plus jamais le problème du boucher qui vous coupe un morceau trop gros : on pourra préparer selon l’appétit de chacun, une autre source d’économie.

Et quel amusement grâce aux formes de fantaisie : un petit cœur pour la St Valentin, des chiffres à assembler pour souhaiter les anniversaires, une gaufre pour les enfants gourmands, une croix pour les Chrétiens à Pâques (et une forme de poisson pour le Vendredi-Saint), un croissant pour les Musulmans au Ramadan, une étoile de David pour les Juifs, un $ pour les millionnaires américains...


Actualité

Lu dans la presse (Canard Enchaîné du 10 avril 2002) cet article étonnant : nous ne l’avions pas prévu, mais ça marche aussi avec le poisson !!! Comme la science est belle...

De la viande de porc créée en laboratoire : Dans un futur plus ou moins lointain on pourra se demander si la côtelette qui trône dans notre assiette a un jour été un animal à quatre pattes, qui a vécu et gambadé dans la nature. Selon la presse anglo-saxonne, et notamment le Times, une équipe néerlandaise aurait réussi à créer in vitro un morceau de viande de porc.

Les travaux ont été menés par une équipe de l’université d’Eindhoven dirigée par le docteur Mark Post. Ils ont été financés par l’État néerlandais et... par un fabricant de saucisses, dont on peut sans mal imaginer l’intérêt qu’il porte à ce genre de recherches. (...)

Actualité encore en 2012 : http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/developpement-durable-1/d/un-jour-nous-mangerons-des-cellules-cultivees_36923/ Je ne résiste pas à la tentation de vous citer la dernière phrase : "on pourra peut-être un jour hésiter entre une cuisse de vautour et une entrecôte de koala." Un autre site en parle aussi, mais le prix est encore un peu salé (200 000 € le steak haché...) : http://www.maxisciences.com/hamburger/le-premier-hamburger-a-base-de-cellules-souches-bientot-dans-les-assiettes_art21890.html

Et c’est pas fini : Futura Sciences octobre 2012 : Bientôt de la viande in vitro ?

C’est tout de même agréable de se dire qu’on avait raison une dizaine d’années avant tout le monde : http://www.futura-sciences.com/magazines/sante/infos/actu/d/medecine-hamburger-artificiel-285000-euros-londres-48135/ (même si pour l’instant c’est un peu cher)

Ca bouge toujours en 2019 : NewMeat a des ennemis ! Une tribune publiée dans le Monde est très négative au sujet de notre belle invention. https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/22/la-viande-de-culture-est-un-poison-alimentaire-social-ecologique-et-intellectuel_5439478_3232.html

Parallèlement il y a des efforts de vulgarisation, avec pour la première fois à ma connaissance, une vidéo sur le sujet :

Mars 2023 : qui a dit que les sénateurs ne sont pas à la pointe de la modernité ? https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/03/15/la-recherche-sur-la-viande-cellulaire-encouragee-par-le-senat_6165556_3244.html

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