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Une fois n’est pas coutume : article "grand public"

Du halal dans les cantines d’EPLE ? Où ça ?

dimanche 11 mars 2012, par L’intendant zonard

L’IntendanceZone est faite par et pour les gestionnaires, et les collègues n’auront pas trop besoin de cet article-là. Car l’occasion est là de signaler quelques points importants dans le cadre du débat né récemment sur l’intrusion du fait religieux dans les services de restauration scolaire. L’IZ n’est pas supposée représenter le métier, mais ça en rassurera peut-être certains quand même...

Une attitude professionnelle de totale ignorance de la chose dictée par la Constitution -excusez du peu

La loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État fait partie du bloc de constitutionnalité, et se trouve donc parmi les principes généraux qui fondent l’action publique à laquelle je m’honore de contribuer. Et cette loi dit "l’État ne reconnaît ni ne salarie aucun culte".

Dès lors, en tant que gestionnaire de fonds publics, j’ai le devoir le plus strict de refuser absolument la perspective de dépenser le moindre centime pour rémunérer un quelconque acte de nature religieuse. Or à ma connaissance, les personnes qui ânonnent des messages à un Dieu au moment où ils -travail pénible- suppriment la vie d’un animal, ne sont pas des bénévoles.

A supposer qu’ils le soient, ou que par exemple l’ensemble des personnels des abattoirs du pays reçoivent, en échange de leur collaboration, un supplément de salaire de la part d’une communauté religieuse organisée (vu le niveau de paranoïa de certains individus s’exprimant en politique, autant tout prévoir) : alors je me contenterais de ne pas tenir compte de la présence ou de l’absence d’un étiquetage alléguant une quelconque "qualité" de type cultuelle à la viande que j’achèterais, sur la base du défaut de reconnaissance des cultes par la puissance publique.

C’est du reste l’argument que je sers à des élèves qui, de temps à autre, me questionnent sur le sujet : si, suite à un accident chez les fournisseurs habituels, j’étais par exemple amené à acheter en urgence une vingtaine de poulets chez le boucher du coin (qui est une enseigne confessionnelle, faut voir le quartier), et bien il me serait interdit de le signaler aux élèves.

Strictement aucun exemple connu à ma portée

Installé de longue date dans le 93, territoire concerné s’il en est, je n’ai jamais eu vent de la moindre tentation de la part d’un collègue gestionnaire d’établissement scolaire d’envisager de se fournir en viande estampillée d’une quelconque religion.

Je connais un collègue musulman pratiquant, qui donc dans sa propre cantine ne mange pas de viande. Au passage, ce collègue se disait il y a quelques temps sympathisant d’un parti politique qui vient de s’illustrer sur le sujet, il a du apprécier.

Les menus sont-ils adaptés ?

Bien entendu et de très longue date, le porc n’est pas imposé à l’ensemble des convives. Il n’est cependant certainement pas banni des menus, et même présent assez souvent si l’on considère les charcuteries servies en entrée, ou des lardons agrémentant certains accompagnements -là aussi avec une alternative.

Au passage, je signale la grande correction des personnels de cuisine : la moitié du personnel de la cuisine de mon établissement est musulman, et ne rechigne pas à travailler ces denrées susceptibles de les déranger.

Mon établissement a expérimenté, pendant un peu plus d’un an, un menu alternatif sans viande systématique (poisson ou œuf...) à chaque repas. Voici le bilan qui en a été tiré :

  • c’est économiquement intenable
  • aucun élève ni parent ne nous a jamais remercié de cette sollicitude
  • au contraire, on se faisait engu.ler quand à la fin du service nous ne pouvions plus assurer le choix

Sur ces derniers points, il importe de dire avec fermeté qu’on ne peut certainement pas se permettre d’interpréter cela comme une marque d’agressivité ou d’incorrection propre à telle ou telle religion, mais tout au plus à des lacunes dans l’éducation encore en cours d’adolescents pas très malins. Et puis l’établissement, tout au maintien de sa neutralité, s’était bien gardé de communiquer sur ces menus adaptés, c’était une situation de fait non explicitée qu’il aurait été difficile de développer en discours.

Enfin, quand nous avons pris la décision de revenir sur cette pratique, nous n’avons pas eu la moindre petite remarque de qui que ce soit !

La sortie de crise : l’enseignement privé ?

Autant je suis un fervent défenseur du service public d’éducation, un adversaire déclaré de l’enseignement privé qui dévoie l’égalité républicaine en assurant un écrémage à son profit des populations scolaires, sans coûter moins d’argent public à la collectivité, autant les incompatibilités à l’école publique de type religieux me semblent absolument devoir être réglées par ce moyen.

Je suis choqué que les dizaines de milliers de familles de mon département à qui l’on peut prêter le souhait d’un cadre religieux pour leurs enfants n’y aient pas accès. Les prétextes utilisés par les différents pouvoirs publics pour gêner, par tous les moyens, l’ouverture d’établissements confessionnels musulmans, sont infects et sont légitimement interprétés par les populations concernées comme des marques de mépris et de défiance à leur encontre.

Il est certain que des cinglés prendront la tête d’une partie de ces établissements. Il est certain aussi que quelques cinglés sortiront de ces écoles. Si l’on était certains, dans les établissements publics, de n’avoir aucun imbécile parmi nos anciens élèves, on n’aurait pas inventé l’ONU, et on laisserait la République française diriger le monde, non ?

Être à la merci de quelques abrutis qui les prennent au pied de la lettre et dans l’irrespect de l’être humain (supposé l’image de Dieu, là encore excusez du peu), c’est le lot de toutes les religions. C’est aussi celui du culte "historique" de ce pays que certains politiciens semblent vouloir maintenir en respiration artificielle par n’importe quel moyen. En excitant les agités des autres religions au passage.

Si l’on permet encore l’existence de scouts marins qui à l’occasion envoient à la mort des enfants en pleine tempête, si l’on autorise des cours de catéchisme qui -potentiellement je n’ai pas d’exemple- sont des tribunes pour inculquer à des enfants le rejet de la contraception et de la protection contre les MST, alors il faut assumer, et permettre aux imbéciles des autres religions de commettre le même genre de crime. Ou alors cesser complètement tout financement public des établissements confessionnels (rire sardonique).

Que les politiques commencent par abandonner leur attitude infecte à l’égard d’une religion par laquelle se sent concernée 10 % de la population du pays. Quand l’Islam suscitera, comme la loi fondamentale de cette République le prescrit, un désintérêt poli et une authentique neutralité, ça sera peut-être déjà moins intéressant d’utiliser cette religion comme étendard d’une communauté méprisée.

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